Constatation étonnante, entre 1886 et 1897 ont paru à Londres quelques-uns des plus grands chefs-d’oeuvre de la littérature britannique : Dr. Jekyll et Mr. Hyde de Robert Louis Stevenson, Une étude en rouge d’Arthur Conan Doyle, Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, Dracula de Bram Stoker et L’Homme invisible de H.G. Wells. Et ce sont là cinq romans criminels – à tout le moins cinq histoires où figurent des personnages assoiffés de meurtres. Qui plus est, à la même époque, sévissait Jack l’Éventreur dont l’identité réelle reste aujourd’hui encore un sujet de controverse… Et si tout cela faisait la matière d’un roman ?
La réponse à la question, c’est Le Fantôme de Baker Street. Son auteur, Fabrice Bourland, y a mis en scène deux jeunes détectives, Andrew Singleton et James Trelawney, qui reçoivent un beau jour, en 1932, la visite de la veuve d’Arthur Conan Doyle, décédé deux ans plus tôt, à l’âge de 71 ans. Et voilà qu’ils apprennent que, peu avant de rendre son dernier souffle, le père de Sherlock Holmes aurait intercepté un mystérieux message médiumnique dont le contenu ne serait pas sans rapport avec des crimes horribles qui ensanglantent Londres depuis plusieurs mois et qui désarment totalement Scotland Yard. Après avoir accepté de mener l’enquête, les deux détectives découvrent d’abord que la maison portant le n° 221 à Baker Street, le fameux domicile de Sherlock Holmes et de Watson, est hantée par des esprits, puis que les crimes à la une de tous les journaux imitent ceux perpétrés par Mr. Hyde, Dorian Gray, Dracula et Jack l’Éventreur ! Selon un des personnages du livre, plus une pensée est puissante, plus elle est « apte à mener par elle-même une existence autonome dans l’univers psychique ». « Ainsi, est-il précisé, la création littéraire s’apparenterait à une fabrique de réalités parallèles. »
Roman d’énigme surnaturel, Le Fantôme de Baker Street est un brillant exercice de style, et il est d’autant plus brillant qu’il s’appuie sur des connaissances littéraires incontestables, l’holmesologie constituant, il est vrai, une discipline rigoureuse, pour ne pas dire une science exacte. D’ailleurs, diverses notes en bas de page viennent çà et là attester les situations décrites et leur conférer chaque fois une crédibilité historique. Dommage cependant que Fabrice Bourland n’ait pas veillé à soigner davantage son écriture et à éviter les expressions et les formules toutes faites.
Par Alexandre Lous, Le Magazine littéraire n° 472 de février 2008