Sixième tome des aventures d’Andrew Singleton et James Trelawney, les « détectives de l’étrange » de Fabrice Bourland. Nous sommes en 1938, le duo d’investigateurs londoniens est en vacances à Hollywood, capitale du cinéma, où l’on tourne Le Fils de Frankenstein et Le Magicien d’Oz. En rentrant en auto d’un concours de bienfaisance organisé par l’actrice Dorothy Lamour, Singleton et Trelawney se perdent dans l’épaisseur d’un brouillard nocturne. Soudain un homme sorti de nulle part manque de se faire renverser par leur voiture. À la lueur des phares, ils constatent que le quidam est recouvert d’une épaisse fourrure, semblable à celle d’un loup. Le lendemain nos héros apprennent par la presse que non loin de l’endroit de leur étrange rencontre une jeune femme a été sauvagement égorgée. L’enquête peut commencer.
Le roman de Bourland est une promenade référentielle dans l’Amérique de la fin des années 1930 — l’Amérique rêvée, car le contenu du cinéma hollywoodien classique débouche in toto dans la réalité. Ce sont les films fantastiques de la Universal qui tiennent le devant de la scène, mais on retrouve aussi les détectives hard-boiled du film noir, qui contrastent drôlement avec nos Holmes et Watson sortis des brouillards de l’Angleterre victorienne et de la métapsychique. L’auteur se plaît aussi à mettre au jour des aspects oubliés de l’histoire américaine telles les législations eugénistes votées au début du siècle dans quatre États, dont la Californie.
Cependant le sérieux de la documentation et le jeux des références ne sont qu’un tremplin pour une intrigue des plus échevelées qui lorgne vers les aventures de Harry Dickson, mais qui, au lieu que de se situer dans cet étrange temps mêlé qui était propre à Jean Ray, s’inscrit dans un temps historique précis, dont la folie annonce les tragiques événements à venir, et qui n’est pas sans rappeler notre propre époque.
Par Harry Morgan, « The Adamantine » (site), février 2015.