Entretien au quotidien « Le Soir »

Vous avez aimé « Freaks », le fameux film de Tod Browning mettant en scène un cirque et ses phénomènes ? Alors vous adorerez « Hollywood Monsters », le roman de Fabrice Bourland.
On est en décembre 1938 et les détectives préférés de l’auteur, Singleton et Trelawney, sont à Hollywood. Ils croient s’y reposer mais les aventures s’imposent, sous la forme d’un loup-garou qui, au milieu de la nuit, se jette sur leur voiture avant de s’enfuir. Le lendemain, près du lieu de cet événement, le long de Malibu Lake, on retrouve le cadavre d’une fille à trois seins. La parade des monstres commence. Nos détectives y seront confrontés dans ce Hollywood étrange où les gangsters s’agitent sur les écrans, les fascistes dans les discours et les eugénistes dans les cliniques privées. Fabrice Bourland est un des nombreux invités des Étonnants Voyageurs. Rencontre.


Vous avez du succès avec les histoires de Singleton et Trelawney, même en anglais. Vous avez trouvé un filon ?

Il y a eu un engouement que je n’avais pas prévu pour Le Fantôme de Baker Street, dû sans doute à l’amalgame avec la période victorienne et Sherlock Holmes, et j’en ai profité. J’ai un grand amour du fantastique publié par Marabout dans les années 60 et 70 et des Belges Jean Ray et Thomas Owen en particulier. J’ai eu l’idée d’écrire Le Fantôme de Baker Street, ça a plu à 10/18 et mes personnages ont été embrigadés dans divers lieux et atmosphères pour six aventures, jusqu’à présent. Chaque fois, c’est très différent au niveau des ambiances. Ça s’inscrit dans une série, mais ce n’est jamais un décalque.

À chaque fois, vous visitez un monde littéraire ou artistique différent.
Le surréalisme, l’occulte, les mondes perdus, Yeats, Crowley, le cinéma fantastique, etc. Et chaque fois aussi, je m’empare d’une grande figure du fantastique : fantôme, incube et succube, loup-garou, cryptozoologie (et ça nous ramène encore à la Belgique avec Heuvelmans), le voyage astral, le double…

Et vous n’hésitez pas à convoquer des figures historiques, comme Aleister Crowley.
Je me documente beaucoup, puis je mets ça de côté et je donne ma version du personnage. Mais je ne prends pas de liberté sans les connaître : j’ai beaucoup de respect pour eux, je les aime, je les ancre dans ma réalité.

Vous êtes très documenté, en effet.
C’est ma marque de fabrique. Pour rendre mon imaginaire crédible, il faut une base historique impeccable. Ma rêverie part de la documentation, des photos, de l’iconographie. Pour ces Hollywood Monsters, ça partait d’un amour immodéré pour les grands films fantastiques d’Universal. Entre 1931 et 1945, il y en a eu quelque 150 : avec Bela Lugosi, Boris Kar
loff, Basil Rathbone… Tous ces films où de vrais acteurs montrent leur monstruosité. Freaks, sorti en 1932, a terrorisé les gens. Je me suis dit qu’il y avait là un truc à faire. Et je l’ai mêlé à l’adoption par la Californie, à cette époque, de lois sur l’eugénisme. J’avais dès lors un tableau extrêmement fort : la starification, l’horreur dans la fiction et l’horreur au quotidien. Et le fait que les monstres que je mets en scène, ceux qu’on voulait stériliser, sont bien plus humains que certains humains.

Par Jean-Claude Vantroyen, journal Le Soir (Belgique). Entretien réalisé lors de la Foire du livre de Bruxelles.