Le Chat de la mère Mustang (extrait)

C’était mercredi, jour de la sortie du film. On attendait ce moment depuis des semaines. Il y avait déjà la queue pour la séance du matin.
Oui, mais voilà ! Ni Tom ni moi n’avions le moindre sou en poche. Et ce n’était pas grâce à mon dernier bulletin scolaire que je risquais de sitôt en gagner. Quant à Tom, sa mère ne voulait jamais rien savoir. Elle lui hurlait tout le temps aux oreilles que ce n’était qu’un bon à rien et qu’il ne méritait pas un kopeck.
On était plantés devant le cinéma comme deux nigauds, les yeux rivés sur l’affiche. Elle était magnifique : le héros, Sammy Brown, se faisait pourchasser par une armée de gangsters d’un air décontracté, au milieu des fusillades et des explosions. Hé, normal ! Y a pas plus fort que Sammy Brown !
Tom n’arrêtait pas de grommeler entre ses dents.
— C’est trop injuste, Max. Ça ne peut pas se passer comme ça.
J’étais aussi déçu que lui, bien sûr, mais il fallait voir la réalité en face. Il n’y avait pas vraiment de solution.
— Allez viens ! On se fait du mal pour rien.
Je le tirais par la manche pour l’entraîner en direction du jardin. À contrecœur, il a fini par me suivre.
On avait à peine fait cinquante mètres que, soudain, il s’est arrêté devant un réverbère, raide comme un piquet.
Il avait un drôle de sourire.

 ***

Je me suis approché de Tom. Il lorgnait une annonce fixée avec des bouts de scotch. Ça disait :

 Clochette, petite chatte grise âgée d’un an, s’est perdue.
Si vous la retrouvez, merci de vous adresser
appartement 101, bâtiment « Tournesol », escalier C.
Récompense garantie.

 Sur la photo, on voyait une grosse boule de poils avec des yeux bleus.
— Quoi ? C’est pour la récompense ? ai-je demandé. Tu veux qu’on se mette à chercher ce chat ?
— T’es pas fou ? Ça prendrait des plombes. En plus, on n’est même pas certain de pouvoir lui mettre la main dessus.
— Alors quoi ?
— Alors il m’est venu une idée.

 © Thierry Magnier