Outre le fait de paraître tous deux dans la collection Grands Détectives chez 10/18, les nouveaux romans de Fabrice Bourland et de Jean d’Aillon ont au moins trois points communs. L’excellence de leur style, d’abord. Le premier adopte des tournures de phrases tout à fait réjouissantes (« Sur le seuil, un vieillard rachitique fit claquer son dentier en guise de cérémonie ») et le recours, par le second, à des termes anciens offre un surplus de chair à son roman. Leur volonté commune, ensuite, de donner à leurs héros une existence réelle, Jean d’Aillon faisant même d’Edward Holmes et de Gower Watson les inspirateurs des personnages de Conan Doyle. De solides intrigues, enfin, sur fond d’impeccables reconstitutions historiques.
L’univers des «freaks»
En 1938, alors que la guerre semble inéluctable, les détectives Singleton et Trelawney s’offrent quelques semaines de repos à Los Angeles. Une nuit, s’étant égarés, ils heurtent un homme-loup.
Or ils apprennent que cette même nuit, une femme a été retrouvée assassinée dans un cottage non loin. Une femme à trois seins. Secondé par un journaliste local et par une paire de nains, le duo se lance dans une enquête qui le projette dans l’univers des freaks shows où les attractions sont des monstres humains. Tout en étant confronté à une inquiétante réalité, la stérilisation forcée de gens malformés ou faibles d’esprit abondamment pratiquée en Californie.
Hollywood monsters, sixième enquête des deux amis, est passionnant de bout en bout. Fin connaisseur des films d’horreur américains des années 1930, Fabrice Bourland en cite plusieurs, notamment Freaks de Tod Browning qui, mettant en scène des vrais monstres humains, a terrorisé l’Amérique. Mais son roman est également terrifiant lorsqu’il lève le voile sur des pratiques eugénistes qui seront ensuite appliquées par les nazis.
Une étude en écarlate, quant à lui, se déroule au moment où Paris fut anglais sous la régence du duc de Bedford. En effet, en vertu du Traité de Troyes signé en 1420, ce n’est pas le dauphin Charles (futur Charles VII sauvé par Jeanne d’Arc) mais le roi d’Angleterre Henri V qui, à la mort du roi «fol» Charles V, deviendra roi de France.
Les autres Holmes et Watson
C’est dans cette époque complexe sur fond de guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs arbitrée par la puissante confrérie des bouchers, que Jean d’Aillon, vieux routier du roman historique à intrigues, plonge ses nouveaux héros anglais. Holmes est un ancien clerc chargé d’obtenir des lettres de rémission royales et Watson, un archer blessé à Azincourt en 1415.
S’inspirant d’un complot réel raconté par Shakespeare dans Henri IV, l’auteur imagine que celle à qui aurait dû normalement revenir le trône d’Angleterre fomente un attentat contre «l’usurpateur». Le cœur en est une maison dite «maudite» suite aux horreurs dont elle a été le théâtre mais qui, soudainement, suscite l’intérêt de nombreuses personnes aux intentions pas vraiment pacifiques.
Par Michel Paquot, L’Avenir (quotidien belge) du 5 mars 2015